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Une chapelle simple.....
Message d'accueil :

Merci à vous tous, famille et amis, d'être avec nous pour dire au revoir à Laurent et ses enfants.  

Le passage de la vie à la mort est une épreuve pour la foi chrétienne mais que dire dans ces moments quand il s'agit de son enfant et ses petits enfants ?  Seule l'espérance peut nous soutenir. C'est le sens que nous voulons donner à cette cérémonie. Aidez nous, aidons nous, à vivre cette espérance. 

Aujourd'hui (03/2012) l'enquête continue. Les dépouilles ne seront pas rapatriées avant un long moment. Le juge d'instruction doit se rendre au Cambodge mais faute de convention entre les deux pays son action sera limitée. Nous avons eu confirmation tout récemment que les maisons sont toujours sous scellés et que les autorités attendent la fin de l'enquête française pour prendre la suite à donner.

 

la chapelle Ste Catherine, Ortiac

 Une cérémonie d'adieu a rassemblé la famille et les amis de Laurent le 3 Mars 2012. Elle a eu lieu dans une petite chapelle de montagne, à l'image de cet "aventurier" au grand cœur. De grands posters rappelaient ces paysages du Cambodge que tu aimais tant.

Ortiac, 3 mars 2012 : tous tes amis étaient là ...

Xavier

Juste quelques mots sur le souvenir que je garde de Laurent,

Je ne regrette pas de lui avoir proposé de m’aider à faire vivre la troupe scoute d’ARGELES, que j’avais lancée mais que j’avais peine à animer, car trop souvent seul ou mal secondé.

Nous étions complémentaires, Laurent, le technicien, le bâtisseur, le défricheur, moi je gardais l’animation par les jeux, la gestion du groupe et la réflexion religieuse. 

Toujours présent au rendez vous, efficace, et sachant faire confiance aux garçons intrépides et entreprenants.

Sans avoir eu de formation théorique au sein du scoutisme, Laurent a su gagner la confiance de nos jeunes qui furent toujours prêts à le suivre jusque dans le brouillard.

Il est vrai que notre duo, basé sur une amitié vraie, a bien fonctionné et son premier départ vers d’autres continents fut un premier déchirement pour toute la troupe.

Son retour imprévu, fut pour nous, une seconde étape, pleine d’enthousiasme. 

Laurent était proche des scouts, mais aussi de leurs familles. Je le savais bien accueilli et chez nous, il aimait et nous aimions le recevoir à l’improviste, lui et sa bouteille numérotée de vin blanc ou rouge des vignobles familiaux…

Laurent aura traversé notre vie, nous en gardons le souvenir au travers de moments forts, de moments vrais et humains qui soudent une amitié durable.

 Il nous avait habitués à des départs et à des retours, mais partir définitivement sans un adieu, nous laisse dans l’incompréhension.

  Laurent, fait partie de notre patrimoine des amis qui comptent dans une Vie.

C’est nous aujourd’hui, qui te disons …

Adischats !

l'adieu des amis devant la chapelle

 

La lettre de Michel, l'ami de la Bretagne :

Loran,

Que dire, que dire ? Je ne sais par quel bout prendre les souvenirs toujours forts et avec l'aventure comme lien...

Des premières escapades en Visa verte et jaune à l’assaut des menhirs et autres dolmens du nord Finistère. Notre tour de France avec Guillaume, les soirées chez toi et au bar des Mouettes sur le port de Brest. …

 

Et puis il y a eu cette découverte d'Israël, un voyage qui m'a beaucoup marqué... La visite chez les Druzes à la frontière Libanaise, ces nuits réveillés par les hélicos de l'armée Israélienne qui braquaient leur phare sur nos duvets ! La découverte de la vie en Kibboutz et d'un ailleurs qui me fera y retourner quatre ans plus tard pour un plus long voyage. Vraiment, tu auras été comme un guide dans des passages de ma vie, un grand frère que je n'avais pas...

 

Et puis depuis le temps que je devais venir te voir au Cambodge, nous sommes débarqués avec Sandrine dans ce pays totalement inconnu. Ces ballades aux fins fonds du Mondolkiri loin des sentiers battus à la rencontre des ethnies, vraiment proche d'eux tu savais toujours nous faire découvrir des tranches de vie, des sourires... : des souvenirs inoubliables. Nous sommes repartis amoureux de ce pays et de ses habitants.

 

Je suis rentré de ce voyage vraiment bouleversé et j'ai changé de métier encore une fois. Ce voyage m'a vraiment fait regardé ma vie de l'extérieur avec du recul, j'ai décidé de me rapprocher de mes convictions dans ma vie de tout les jours. Merci Loran, encore un coup de pouce que tu m'a donner là...

 

Tu vois, aujourd'hui Béatrice une amie très chère viens à la maison, nous nous sommes connus à Ketura dans le Negev... Nous fêtons les quarante ans d'Antoine la semaine prochaine, je l'ai rencontré au Carrefour des Mauges avec Yves ton oncle à qui tu m'avais recommandé...

Autant de pierres que tu as posé sur ma route et qui me guident, m'aident, me font vibrer...

 

J'en passe mais j'ai encore tellement de bons moments passés à tes côtés, ils resteront gravés et je te sais à nos côtés comme toute la famille...

Au revoir Loran, au revoir Choep, au revoir les Kinkous comme tu les appelais affectueusement.....

 

Michel

 

 

 

Céremonie d'adieu à Laurent et ses enfants.

Préparée par ses parents et les prêtres amis. L'eucharistie  a été  concélébrée par les pères Joseph Jouanoulou, en retraite (active) , Claude Lescourgues, curé de l'ensemble paroissial du pays Toy et José Marie de Antonio, responsable de la pastorale des migrants du Diocèse de Tarbes. Elle a été l'occasion de plusieurs témoignages.

Le souvenir de ses amis scouts : 

                              A toi Loran 

Nous nous sommes rencontrés en fin d’année scolaire  en juin 1996. Nous étions alors en 6ème et tu assistais Xavier à une célébration de promesse scoute. Une personne t’avait présenté comme revenant d’Israël et sachant parler hébreux. Ce qui n’était pas courant dans le Lavedan.

Tu nous as tout de suite intrigués. Nous avons pu faire plus ample connaissance à l’occasion d’un camp scout d’été dont tu étais le responsable avec une belle chemise verte de compagnon. Tu nous as transmis des astuces de camping, de bivouac, de vie en communauté et des randos en montagnes. Tu nous as même fait découvrir une chanson qui n'est jamais sortie de nos têtes, le fameux matou, qui comme toi savait toujours se sortir des galères.

Puis l’année scolaire a repris. Nous étions en 5ème et tu nous as pris dans ton groupe pour nous sortir un WE par mois dans un cadre choisi : la montagne. C’était des moments de liberté dans un espace de liberté : bivouacs sous la neige, nuits en hamacs dans la forêt, raquettes l’hiver et veillée à la belle étoile autour d’un feu de camp.

Le WE mémorable aura été notre traversée du col d'Andorre qui s'était glorieusement terminée en hélitreuillage par le PGHM et à la une du journal télévisé départemental.

Tu as été un éducateur hors pair et orignal dans ta façon de voir le monde. Le tien était vaste et dépassait la France. Tu étais curieux de rencontrer d’autres cultures et civilisations.

L'aventure est peut-être le mot qui te représentait aussi bien que ta barbe, ta pipe, ton chèche et ton chapeau.

Les années scoutes sous ton encadrement ont été riches. Nous en avons de nombreux souvenirs et on peut dire que nous avons beaucoup appris à tes côtés.

Aujourd'hui, nous sommes devenus grands. On fait moins souvent de feux de bois, de veillées, on ne dort dans nos hamacs que pendant les vacances, quand il fait beau et à l'ombre; mais nous construisons aussi des projets, d'autres aventures encore pour lesquelles ton expérience et la bienveillance dont tu as toujours fait preuve à notre égard auraient été une aide précieuse, toi notre ami du bout du monde. 

Après que Xavier nous ait lu tes longues lettres où tu nous racontais en détail tes premiers mois au Cambodge, l'adoption du petit singe que tu avais apprivoisé et la rencontre de celle qui serait ton épouse, nous échangions de longs emails. Dans chacun d'eux tu ne manquais pas de nous inviter à te rejoindre pour t'aider ou simplement découvrir ta nouvelle vie. Puis ces échanges se sont de plus en plus espacés car tu travaillais d'arrache pied pour mener à bien ton objectif de construire pour toi et ta famille qui s'agrandissait, une vie digne et confortable.

Et puis l'été dernier, nous sommes enfin venus te voir, au bout du monde. En plus de ton chapeau que nous connaissions déjà, tu arborais maintenant dans ta panoplie de baroudeur, un Krama autour du cou; ce foulard typique de ton pays d'adoption, le Cambodge, ou tu nous disais que tu te sentais chez toi. Tu y avais posé tes bagages et plus question de rentrer en France, c'était ton pays.

Autre chose avait changé, tu étais devenu Papa, de quatre enfants adorables… Yohann, Rasmey, Sovann et Mickael. On ne parlait pas la même langue, mais on se comprenait sans problème; en une semaine, ils étaient devenus nos petits frères.

C'était certainement la plus belle aventure dans laquelle tu t'étais lancé. On voyait immédiatement qu'ils étaient toute ta vie. Le soir, les enfants dormaient tous ensemble, sur le même matelas. Ils auraient pu avoir chacun leur chambre mais ils aimaient dormir ensemble; et le Vendredi soir, ils avaient même le droit de manger et de s'endormir devant la télé, tous ensemble sur le canapé, en regardant des séries Thaïlandaises. Une fois assoupis, tu venais déposer la moustiquaire pour qu'ils dorment tranquilles. Un vrai papa poule !

Ensuite tu avais un peu de temps pour toi, afin de lire dans ton hamac au son des grenouilles. Et nous avions le temps de discuter de tout et de rien. Entre les anecdotes sur tes périples autour du monde; du Canada à l'Israël, des années scoutes jusqu'au Cambodge; tu nous confiais tes projets. Tu ne manquais pas d'idées pour toi et pour tes enfants. Sovann aurait dû commencer l'école en Septembre et tu voulais que Rasmey et Yohann apprennent l'anglais. Tu voulais aussi, dès que possible, qu'ils rencontrent leurs cousins en France; et tu aurais un peu de temps pour les laisser à tes parents pour partir visiter l'Europe en road-trip.

Et puis tu nous confiais ton rêve, acheter des rizières au Cambodge ou au Laos,  planter ta maison, au beau milieu, afin d’y vivre une vie tranquille.

On gardera de toi cette image d’aventurier qui avait suivi ses passions jusqu’au bout du monde, jamais à court d’idées et de projets. On n’oubliera pas les nuits en hamacs, tes récits d’aventures, ton épopée du Pibeste et pour nous qui avons eu la chance des les rencontrer, nous garderons toujours dans nos cœur tes petits. Yohann, discret et plein d’attention pour ses frères et sœur; Rasmey, toujours en concurrence avec ses frères et sœur, Sovann, la petite princesse de son papa toujours en quête de câlins et Mickaël... qu’on aurait bien imaginé futur roi du Cambodge !

         Ces temples où tu aimais passer des heures et des journées.....

Qui étais tu mon fils ?

Qui étais-tu mon fils ? Nous, tes parents, avons de la peine à le dire. Depuis tes premiers pas jusqu'à ta vie d'adulte tu n'as cessé de nous surprendre. Une scolarité capable du meilleur et du moins bon jusqu'à ce que tu rencontres ta passion au lycée de Saint Pée sur Nivelle : la mer et le poisson. Après ce sont des voyages, des expériences et à chaque fois, tu nous revenais encore plus riche d'humanité. Scolarité encore à Lanilis où tu as forgé des amitiés durables dans cette Bretagne qui t'as adopté. Un stage et un voyage au Canada où tu as pu aller à la rencontre des baleines et des ours, faire les premières expériences de travail. Ton service militaire à Cazaux où ton meilleur ami est canaque. Et puis l'université de Montpellier pour l'aquaculture en eau chaude. Tu vis à Sète - toujours au plus près de la mer-, tes amis sont maghrébins, africains, "expatriés" comme toi pour faire leur spécialisation.  

C'est le début de ta vie professionnelle. D'abord en stage en Grèce dans l'ile d'Eubée. Tu apprends le grec que tu parleras couramment et quelques mots d'Albanais pour communiquer avec les ouvriers. Puis une autre entreprise, à Delphes. Là, malgré notre avis, tu fais l'acquisition d'une pinasse arcachonnaise transformée en goélette.  

Ton savoir-faire, tes aptitudes à la plongée te font remarquer. Une entreprise israélienne t'embauche et te voilà parti pour une nouvelle aventure. Tu as choisi de vivre dans un Kibboutz, de vivre en kibboutzim, tu parles couramment l'hébreu, tu fais l'expérience du désert. Tu fais aussi l'expérience que toutes les entreprises ne vont pas à leur terme. Un matin d'hiver, tu nous appelles pour dire que ta goélette vient de se fracasser contre les rochers de l'ile d'Ios. Le moteur ne s'est pas mis en marche, le vent et les courants ont fait le reste et tu te retrouves pieds nus sur la grève ayant perdu ta principale richesse : tes livres.......

Retour en France après trois années que tu qualifies de dures et enrichissantes. Tu étouffes dans nos problèmes hexagonaux malgré de bons moments avec les scouts. Et aucune perspective de travail épanouissant.  Alors sitôt quelques économies en poche, , tu repars en quête d'aventures. Un voyage aux Antilles te montre qu'il n'y a là-bas aucun avenir pour un entrepreneur étranger.  

Tu n'as pas 30 ans. Un aller simple pour le Cambodge et toute ta vie dans un sac à dos. Tes héros sont Henri Mouhot, Monfreid ou Corto Maltèse. Tu rêves de marcher dans leurs traces.   

Au Cambodge, il te faudra une semaine pour apprendre à compter et demander à manger. Et à peine quelques semaines pour être à l'aise dans un pays où hors la capitale, nul ne parle un mot de français ou d'anglais.  

Tu vas passer un long moment à parcourir le site d'Angkor rencontrant les archéologues mais aussi tous les travailleurs sans-grades embauchés à la restauration du site. Une autre de tes passions. Tu vas faire une première approche de la spiritualité asiatique qui va te pousser à rechercher jusqu'aux origines de cette civilisation. Puis ton voyage te conduit vers le sud au bord de la mer. Dans la vieille cité balnéaire de Kep, symbole d'un occidentalisme honnis par les khmers rouges, tu t'installes avec le sentiment que ta vie est là : ton bout du monde. 

L'association avec une cambodgienne te permet d'ouvrir un premier "hôtel" : un bien grand mot pour deux chambres que tu mets à la disposition des premiers voyageurs qui parcourent le Cambodge. Rapidement l'affaire prend de l'ampleur et tu fais construire une maison dans le plus pur style local. Choep vient te seconder pour le meilleur et pour le pire. Très vite, le bouche à oreille fera son œuvre et il faudra réserver pour déguster poissons, crevettes et crêpes au Nutella sans oublier le petit vin blanc frais. Ton succès fera des envieux et des émules. En quelques années et avec l’évolution du tourisme, une dizaine d'établissements ouvriront leurs portes, tout près de la tienne. Ils te copient, proposent mieux et plus confortable mais c’est chez toi que s'installe Bertrand Tavernier pour le tournage de Holly Lola.  Isabelle Carré viendra s'y reposer et après l'Empire du tigre, tu feras découvrir à Bernard Giraudeau un Cambodge qu'il ne soupçonnait pas. 

Mais tu vois plus loin. D'abord une ferme d'élevage que tu abandonneras faute de trouver des ouvriers motivés, malgré le succès de cette entreprise qui te vaudra les honneurs de la presse cambodgienne. 

Puis le riz. Il nous faut reconnaître que ce changement d'orientation est déconcertant. Le monde a faim et tu nous démontreras que l'avenir est là. Tes premières expériences sont positives mais tu fais une pause pour te consacrer à tes enfants. ….le décès de leur mère t’anéantit mais tu ne baisses pas les bras.

Il n'y a pas de suite à l'histoire de ta vie bien remplie ! 

Alors qui étais-tu ? Un enfant surdoué capable d'apprendre facilement les langues étrangères réputées difficiles?, un aventurier parti à la rencontre des hommes et des civilisations ? Un rêveur qui dévorait des montagnes de livre ? Un entrepreneur à la tête froide ? Un époux et un père de famille juste, bon et soucieux de l'avenir de ses enfants et de plusieurs autres que tu avais pris sous ton aile ? Tout à la fois et nous sommes orphelins d'un fils, d'un frère, d'une famille aujourd'hui dans la lumière.

Jean-Bernard, le père de Laurent